Non mais sérieux qu’est-ce que je fais là ?! Comment ai-je pu me laisser convaincre de venir jusqu’ici ?
Je suis seule… J’ai les idées sombres, aussi sombres que les eaux du lac de Pennington Flash que je viens d’aller reconnaitre, aussi sombre que le ciel menaçant de ces derniers jours, aussi sombres que les larges étendues de verdures plus ou moins vallonnées embellies ici et là de murs en vielle pierre, et de moutons parsemés.
Je suis vide, aussi vide que le site Ironman les jours précédents la course, aussi vide que le réfrigérateur de mon bel appart à Manchester le mardi soir en arrivant, aussi vide que mon garmin dans lequel j’étais persuadée d’avoir chargé le parcours Vélo qui ne permettra pas du coup de pouvoir reconnaitre le parcours en entier.
C’est déconcertant, aussi déconcertant que ce voyage en avion improbable, (décidément il faut toujours que ça tombe sur moi !!), aussi déconcertant que ce moment où je monte dans une voiture où le volant est à droite, et qu’il me faut rouler à gauche…
Et puis il y a tous ces mots de soutien qui arrivent de toute part en flux continu, mon micka qui croit en moi et qui a tant donné pour que je sois là à ne surtout pas me lamenter, cette prépa made by BPC qui aura été une des plus belles et plus complètes de ma courte carrière de petite triathlète, et Ju (Julien Cornut) qui débarque le vendredi déjà à la mode anglaise en train de siroter son « tea ». Son humour et son flegmatisme so British vont vite me faire oublier les particularités de l’environnement, prendre tout le recul nécessaire et vont me permettre d’arriver dans d’excellentes conditions sur la ligne de départ.
3h00 le réveil sonne ! Pas le temps de trainer la navette part à 3h40… incroyable mais vrai je suis prête à 3h30… ce qui n’est pas vraiment le cas de mon acolyte… pff c’était bien la peine de me faire lever si tôt.. !! Pas de panique…on monte dans la navette qui devait savoir qu’on aurait du retard.. et on arrive rapidement sur le site. Il fait doux pour un mois de Novembre, un temps sec est annoncé, les visages sont tendus. C’est le moment des dernières préparations, moment toujours sympa, de rencontres improbables, de partage d’expérience, et pour le coup, de bain de boue exceptionnel pour les pieds.
On est prêt, on en est persuadé tous les deux avec Julien, et on est bien. Perfect ! On a le temps de se placer dans le premier slot des départs, départ pour rappel en Rolling Start.
5h55 « God Save the Queen » ah oui quand même… ça y est gagnée par l’émotion ! Départ des hommes Pro, puis des femmes. Encore quelques minutes et ce sera notre tour.
6h00 Ca y est le départ est donné. pas encore eu l’occasion d’étrenner ma nouvelle Sailfish, c’est le moment où jamais ! Les Anglais sont quand même mieux disciplinés que les Espagnols à Mallorca, ça part doucement mais surement, chacun son tour, plongeon depuis le le ponton. Je suis Julien sur les 3 premières bouées et puis… la nage posée, je décide de faire ma course seule. Après tout y’a une bière en jeu, et surtout un voyage dans le Pacifique ! Pas de bagarre, quelques tasses, une sortie à l’australienne réussie, et un deuxième tour où je décide d’appuyer un peu plus, génée ici et là par les brasseurs que je plains en pensant au temps qu’ils vont passer dans l’eau !
Sortie en 1h, on est bien Mél !!! Lunettes qui tombent, je me retourne et hésite un instant. Je les aime trop j’y retourne… A cet instant je suis loin d’imaginer que 20’’ pourraient m’être fatales. Transition aussi efficace que possible ( mais si je vous assure !!!! ), c’est parti pour 112 miles.
A défaut de repérer le parcours en entier, j’ai repéré les points de ravito et connais exactement la stratégie que j’adopterai. La 1ère partie est assez roulante, mais il fait froid et je suis ravie d’avoir ma Gabba. Les gars qui me passent me donnent tous l’impression de faire 2m, ils sont impressionnants, mais peu de monde au final, c’est rassurant… 1ère grosse difficulté et première mise à l’épreuve des cuissots, ça calme… Les spectateurs, leurs joie, leurs déguisements improbables font vite oublier la douleur. Trop chouette !
Toujours bien concentrée, je surveille la puissance, et reste dans les prévisions . La moyenne ne s’enflamme pas, mais le parcours est usant, la route ne rend rien, et les relances cassent le rythme. A chaque coup de pédale, je me dis « Qu’une seconde est une seconde » et à chaque sommet de bosse, je m’emploie à relancer aussitôt. Et le Ju alors ?!!! Mais qu’est-ce qu’il fabrique ? Problème en nat ? Problème en vélo ? « Mais tu vas appuyer un peu ?!!! » je tourne la tête, … ah le voilà enfin ! Il fait le malin, c’est qu’il le faisait moins quand j’étais au volant de la Zafira à flirter avec les trottoirs Anglais… ahahah… bon tant mieux, allez gogogo ! Il finit par ne devenir qu’une tâche au loin.
« Si t’as vu la Sheep House Lane climb » t’as tout vu Mél… mouaih… il s’était bien gardé de me dire qu’à 10km de la fin de la première boucle, dans un village on ne peut plus bucolique, au milieu des pâtures de vaches, j’envisagerai au second tour de mettre pied à terre pour monter tellement j’ai mal. Séance PMA garantie, pas de cardio dommage… j’aurais aimé voir le pic ! Ne te laisse pas distraire Mél et avance… n’oublie pas « Une seconde est une seconde… »
Contrairement à beaucoup, je m’arrête à plusieurs reprises, synonyme de perte de temps j’en suis bien consciente, mais n’est pas princesse qui veut, vous comprenez ?!!! Bref la deuxième boucle passera plus vite, plus de surprises, sinon celle de constater que les spectateurs sont toujours plus nombreux, toujours plus déguisés, les DJ sont de sortie, ça chante, ça crie, quelle ambiance c’est vraiment chouette !! le voilà le plaisir … il est bel et bien là !!!! c’est bon ça !
Arrivée à T2, je le sais je le sens, je dois être pas mal,… je suis loin d’imaginer que je suis première AG, et que 9min me sépare de ma concurrente. Je prends mon temps, beaucoup trop de temps…, mais le temps nécessaire pour partir sur un marathon et courir confortablement. Encore trop peu d’expérience sur la distance, je l’avoue.
Bref me voilà partie, et bien partie. Cette fois, je connais le parcours et je sais qu’il va falloir s’accrocher, les Anglais ne font pas dans la demi-mesure quand ça monte !! 1ère boucle, tous les voyants sont au vert, j’ai le sourire, j’avance à mon rythme mais je sens l’échauffement sous le pied gauche… Oh non pas déjà !!! Probablement un pli sous la chaussette (ahahahah non rassurez-vous pas un gel ;-) ), je meurs d’envie d’y regarder mais Julien a tellement insisté en me disant qu’il était interdit de s’arrêter et de sortir le pied de la chaussure que je crains sa colère à l’arrivée… « C’est justement à ça qu’on voit à quel point t’es capable d’accepter la douleur Mél » … mouaih bah là je peux te rassurer je soufre !!!! Encore 30km !!! Ouille ça va être long … j’efface les messages de douleur et passe à autre chose. Je ne suis pas si mal.
Premier mur, je repense à cette fameuse séance de trail à Salou, ma préférée… et à Boris et sa technique infaillible. Oui c’est ça Mél, ne marche pas, interdit… jamais, jamais… je passe du monde et je relance… Top ! 16ème km extinction des lumières, passage dans le tunnel, … impossible de vous décrire les sensations tellement je n’en ai pas eues. J’aperçois Julien qui marche, coup de poignard !!!! Je lui hurle dessus, non, non, non pas lui… pas sur SON marathon !!! Allez relance, avance, j’arrive… !!!! J’évite de me laisser envahir par les pensées négatives repars dans ma course.
« Un coup de mou est possible Mél, mais ne t’inquiète pas gère-le et ça repart ! »…. les paroles précieuses de Ben, résonnent. J’ai un problème d’alimentation, je le sais, mais le cerveau mal irrigué a du mal à l’intégrer. Je tape dans tous les panneaux et dans toutes les mains, je cherche l’énergie chez le gens qui sont là en furie… soudain la foule se met en émoi, ouuuahhhh !!!! tout ça pour moi, arrêtez !!!! éclats de rire … Lucy Gossage est derrière moi et me passe comme un avion de chasse ! Arfff…
Les km défilent sans que les sensations ne reviennent, ce n’est pas long, ce n’est pas dur, c’est sans consistance… chaque bosse, et toujours la même technique « une seconde c’est une seconde ». A chaque demi-tour je cherche les filles des yeux, j’en aperçois une, et tente de la garder à distance, je comprendrai à l’arrivée qu’elle n’est pas de ma caté. Je rate Sophie, qui n’a pas son dossard en place, devant… j’ignore qu’elle revient… et je me laisse endormir. 32ème km je décide de me reprendre en main, « Il ne te reste que 10km Mél, fais quelque chose !! ». Je change enfin de tactique d’alimentation, il était temps !!!! Je reviens sur Julien, ohohh !!! Pour qui la bière ?!!!!
Et puis à 5km de la fin, le drame, une féminine me passe, d’une foulée qui fait rêver, le dossard là sous mes yeux F35-39 !! Ce n’est pas possible…. réveil brutal, réveil glacial… si toutefois j’étais première, le rêve s’envole, pas maintenant, pas si près du but, piquée au vif, je suis les conseils du Ju au bord de la rupture et allonge ma foulée, déroule de plus en plus fluidemment, remet de la cadence dans les jambes… cela ne suffira pas, je passe sous l’arche contente d’en finir !!! Sophie Bubb m’attend, on ne sait pas ni l’une ni l’autre qui gagne, puisqu’elle est partie devant moi …
17h05 : Le suspens sera de courte durée. Une officielle s’approche de nous et désigne Sophie comme grande vainqueur, 1ère de l’AG et 1ère AG overall,… pour 20 petites secondes !!! Grosse déception, et en même temps, bonne perdante, grosse satisfaction d’en finir, I am a IRONMAN !!!
Sophie n’est pas ferme quant à sa participation à Kona, tout espoir n’est pas perdu.
Je me console en engouffrant, je ne sais plus combien de bouts de pizzas d’aiileurs, mais beaucoup trop… et en me disant que ça c’est fini ! A moi la bronzette tout l’été à la piscine, et retour aux affaires familiales…
Mais c’est sans compter sur la bonne étoile qui m’accompagne et son optimisme jusqu’en boutisme !!! La difficulté de la course aura raison de deux groupes d’âge féminins, les slots seront donc remis en jeu, dont un pour mon AG !!! Grosse émotion et double grosse satisfaction car c’est vrai j’ai un peu merdé en transition et tout n’a pas été parfait, mais franchement, j’ai tout donné, j’ai serré les dents, et j’ai supporté Julien… euh non la douleur , et j’ai réussi oui j’ai réussi !!!!!! Pensées immédiates pour Micka, les filles, Benjamin Pernet qui m’ont portée jusqu’ici ! C'est énorme !!!!
Pensées aussi à tous mes partenaires, à tous ceux qui m'ont aidé dans ma prépa (Philippe P, Fréd C, Yannick P, Christophe M...), et vous tous qui me soutenez. MERCI, MERCI, MERCI !!!
Hâte de vivre ça, ROAD to KONA !!! |