Il est 3h45 quand le réveil sonne ce samedi 8 Octobre 2016 ! Je repense à Bolton et à Julien... j'avais un peu râlé c'est vrai quand il avait fallu sortir du lit si tôt ... mais le temps de préparation au parc avait été si confortable et du coup le stress complètement absent, que je réitère cette fois-ci aussi.
Bien m'en prend, car la file d'attente est déjà bien longue pour se faire tatouer notre numéro de dossard sur le bras. C'est vite fait, et je peux enfin rentrer dans cette aire réservée aux seuls triathlètes, surpeuplée, mais tellement bien organisée ... ! Incroyable, ou plutôt abusé, il y a même des jeunes filles postées là, à tenir des luminaires IM et former un chemin lumineux jusqu'au parc, le temps que le soleil ne se lève.
Une fois, les pneus gonflés, les bidons remplis, les sacs déposés, je passe me faire enduire de crème solaire... ou plutôt non je demande la crème et m'en tartine moi-même... seule celle fournie par l'organisation est autorisée avant la natation pour protéger la barrière de corail, mais il faut bien avouer qu'elle ne sera quand même pas aussi efficace que mon bon vieil écran total... les seules parties de mon dos exposées et donc brûlées pourraient témoigner ... !
Je suis carrément zen, pas de pression cette fois, pas d'enjeu, pas vraiment d'ambition sinon celle de faire une course correcte, me faire plaisir et surtout finir avant tout ! Petit échauffement rapide alors que les pros sont déjà partis puis petit coup d'oeil au départ homme pour comprendre ce qui m'attend dans quelques minutes.
7h00 - Voilà, ça y est. C'est l'heure de se mettre à l'eau... Le départ se fait à quelques mètres du bord... il faut se faire une place, je me poste à gauche. Pas de têtes connues, tant pis ! J'attends patiemment le tir de canon, en regardant inlassablement les arbitres et autres volontaires en paddle former une ligne imaginaire. "One minute"... ok, ok, ... allez tout s'agite autour de moi, c'est parti, et ça part fort... La vague féminine c'est quand même confortable, on est nombreuse, mais on parvient à nager sans se monter les unes sur les autres, je pose ma nage rapidement, et reste dans le sillon d'un groupe qu'il m'est de toute façon impossible de dépasser. J'ai bonne allure ou plutôt bonne fréquence de bras, attention à ne pas me griller maintenant, c'est que la journée va être longue... Je souris en pensant qu'avec toutes ces bulles, et cette intensité, il m'est impossible de penser à autre chose que de nager et ne pas me laisser distancer. Il pourrait y avoir les pires horreurs sous moi, je ne les verrais pas !
Nous rattrapons les premiers hommes avant le demi-tour, jusqu'ici seuls les passages de bouée sont délicats. Puis, vient l'heure du retour. "Si tu as l'impression de faire du sur-place, c'est normal Mél" m'avait dit Ben ! Je ne m'affole donc pas. Je suis une nageuse qui vire soudain à gauche, et me retrouve isolée du reste du groupe. Je lève la tête à plusieurs reprises, vive les longueurs en polo... !! Mais où va-t-elle ? Que fait-elle ? Elle aussi lève la tête régulièrement et continue à nager d'un bon rythme, ce qui m'oblige à remettre de la cadence et forcer un peu l'allure... Elle semble maitriser son sujet, l'arrivée est droit devant, mais les bouées sont légèrement à droite... Je comprends finalement, que nous nageons seules certes, mais que cela nous évite aussi de remonter tous les hommes un peu à la dérive. Bon choix tactique ! me dis-je. La sortie est proche, je prends le temps de me rincer, de jeter un coup d'oeil au chrono pour voir que j'ai plutôt bien nagé et réalise encore une fois une transition extraordinairement longue. Mais pour le coup, je privilégie le confort au chrono ! Entendez par là, que je mets des manchettes, de la crème solaire et bien d'autres choses encore....
Me voilà enfin partie en vélo. Mais où sont mes jambes ?!!! Je ne m'affole pas dans un premier temps... ne pas se fier aux sensations... je regarde alors le capteur .... il y a quand même comme un truc qui cloche... ah, ah ... je le retiens celui-là ! Peut être un jour réussirai-je à faire une course sans faits de course... mais sans tuer tout le suspens, je peux déjà vous dire que ce ne sera pas pour cette fois !!!
Bref, première montée et j'appuie comme un boeuf sur les pédales, je développe à peine 100W !!!! Bon, je confirme, y'a un hic ! Impossible de rouler 180km comme cela... Je deviendrai presque grossière... je peste mais pester ne changera rien... y'a pas.. ;il faut que je m'arrête. Bon ce n'est pas comme si j'avais déjà perdu un temps fou à T1.
Arrêt/relance du garmin, étalonnage du capteur et je repars... Pendant ce temps, des centaines de vélos passent à vive allure... Petite satisfaction, les puissances semblent plus cohérentes,... j'avance et fournis l'effort... malheureusement au bout de 5min, je cherche toujours mes jambes, ... au bout de 10min, elles ne sont toujours pas revenues... je me dis à cet instant que la journée va être longue et qu'il va me falloir être patiente ! Le vent s'est levé sur la Queen K ... première partie assez roulante, puis vent de côté, pas forcément dangereux, mais qui demande à rester vigilant. En face de moi, je viens de voir un gars se faire balayer par une rafale. Il est à terre, retourné comme une crêpe ! Impressionnant !
Pendant ce temps, la prise d'iso constante, l'alimentation rigoureuse ne changent rien, je n'avance pas, je ne développe rien, je suis sèche ou pas encore complètement... mais bientôt ! Demi-tour à Hawi, ravitos persos, j'y laisse un bidon, ..; je n'ai déjà pas assez bu, ça craint Mél ... je me force un peu sur le retour, et ne rate aucun stand, une bouteille au début, une bouteille à la fin. Je m'arrose, je m'hydrate, mais je n'avance toujours pas. Je n'ai plus confiance en mon capteur, je n'ai plus confiance en mes sensations, je ne prends aucun mais alors aucun plaisir..je subis carrément. Je ne me rends pas compte que la descente aux Enfers commence. Au passage d'un pont à 55km de l'arrivée, léger sursautement, mon bidon est mal enfoncé, je le perds !!!! J'ai déjà perdu tellement de temps que je ne m'arrête pas ! Si j'avais su..." je gérerai avec les ravitos, il y en a tellement " me dis-je... oui sauf qu'en fait, il n'y en a plus sur la fin de parcours... oui oui, vous avez bien lu... plus d'eau, ni pour m'arroser, ni pour m'hydrater.. 30km... ça me parait super long... mais toujours de moins en moins lucide et de nature plutôt positive, je ne m'inquiète pas trop ... ça va passer... juste un peu assoiffée ... :-)
Je rentre au parc, abandonne mon vélo à un bénévole et marche tellement l'effort m'est insupportable. Objectif : refroidir la machine, baisser le rythme cardiaque et repartir de plus belle sur le marathon... ce que je peux être naïve parfois... !!!
Je m'hydrate comme je peux à T2, et pars pour achever ce que je suis venue accomplir. Je plonge ma tête dans chaque poubelle de glaçons que je peux trouver... mais c'est déjà trop tard, je suis en totale surchauffe ! A peine 4km d'effectués, que j'ai des palpitations, des nausées. "You look so good Mélanie" me hurlent les spectateurs... mouih... la tête me lâche, les jambes déjà pas bien vaillantes en vélo, ne veulent elles aussi plus rien savoir ... après m'être dit en vélo que ce serait long, je me dis désormais que ça va être très long !!! Et tous ces gens restés France, derrière leur écran, à me soutenir et croire en moi... impossible des les lâcher... alors je marche, je me rafraichis autant que possible, dès que je sens que cela va mieux, je relance la machine, mais toujours très rapidement, je me sens de nouveau mal... Sophie, ma partenaire de Bolton me rattrape, elle aussi a souffert en vélo, et souffre à pied, mais elle est motivée et m'encourage à repartir... je m'accroche et on fait un bout de chemin ensemble, c'est plaisant, je commence à y recroire... mais je dois à nouveau m'arrêter. Elle se bat pour éviter ça, mais rien n'y fait. Je ne la reverrai plus. Puis c'est au tour de Micka de tenter l'électrochoc... il me hurle dessus, "Accroche-toi Mél, bon sang..." me jette-t-il d'un ton qui en dit long... ouah là là... j'en rigole tellement c'est efficace... enfin pas si longtemps. La montée prochaine me tue...
Bref, j'alternerai ainsi les portions marchées, courues, en me raccrochant à ce que je peux. J'en arrive à proposer à toutes les personnes que je vois marcher : " Si je cours, tu cours ?" ça passe le temps, ça créée des liens... ou pas :-) Le semi en 2h... OMG !! Je reprends espoir, et me dis que puisque la tête reprend le dessus, y'a peut-être moyen. Tous les petits défis y passent, "Allez Mél, un sub 4H c'est encore jouable...", Et bien non impossible ! "Allez Mél, il faut arriver avant la nuit..." Et bien non, il fera nuit noire quand je passerai sous l'arche.
Le ciel s'est couvert, je trouve même qu'il fait moins chaud... mais je ne suis plus assez lucide pour penser à me déshabiller... je n'y penserai que bien plus tard... L'ambiance est incroyable, les spectateurs ne relâchent pas leurs efforts. Mais rien n'y fera. Même les deux derniers kilomètres pourtant en descente me sont insupportables. Micka et les filles sont là pour me soutenir encore, je suis super émue... ils voudraient que je cours mais c'est au-dessus de mes moyens, j'ai mal partout, il y a bien longtemps que je ne peux plus rien avaler ...
Je passe la ligne accueillie par mon speaker fétiche, Paul Kaye... "Mélanie CAUVIN de la Belle France..." ah, ah... il a soigné l'arrivée, et j'apprécie !!! Que dis-je je savoure !!! Oh la vache, c'était donc ça Hawaï .... pwouahhhhh ..... Terriblement terrible. Que ça fait du bien quand ça s'arrête... enfin pour moi ça ne s'arrête pas vraiment... je me sens super mal, ... je fais l'effort de récupérer la médaille, mais je titube.. je rate le maillot de finisher... suis rattrapée par un bénévole qui m'emmène sous la tente médicale.
Je m'étais promise en arbitrant Embrun de ne jamais finir dans un tel état... et bien je crois qu'on y est :-)
C'est sans appel, je suis tout simplement dans un état de déshydratation sévère. Il me faudra bien du temps avant d'être enfin capable de tenir sur mes jambes. Je rentre 5h plus tard, requinquée mais bien secouée à l'appart, où m'attendent les filles, Micka et mon vélo !!!!! Il est minuit. J'assiste à la clôture de la course devant toute cette foule en délire. Encore un moment fort !!!
On m'avait bien prévenue, cette course est mythique, cette course est particulière... je comprends mieux pourquoi !
Quelle expérience, quelle aventure !!!!
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